Dubuc, ou la Liberté de peindre.

23 juin, 2017 - 14:56
Eric Raimbault

La liberté, c’est je crois ce qui caractérise tout d'abord cet artiste. Cette liberté qui fût le moteur principal de son existence chaotique, rude et joyeuse. Elle se retrouve dans la plupart des peintures de Roland. Affranchi des règles et tout bonnement incapable de rester sur les routes bien balisées, il paya le prix fort son goût irrépréssible des chemins de traverse en frôlant bien des fois l’indigence. Il ne dût son salut qu’à de solides amitiés, comme celle de Michel Doddoli ou de Jean-Paul Villain qui le tirèrent de justesse des griffes d’une clochardise annoncée. Ces hommes éclairés ont compris qui était vraiment Roland Lucien Dubuc. Ils ont su voir, puis révéler l’artiste, le VRAI artiste, celui qui ne fait aucune concessions pour vivre une passion picturale pure.
Dessinateur sans formation, Dubuc compensa toute sa vie son autodidactie par la recherche humble mais opiniatre de sa propre écriture picturale. Mises en page spontanées, perspectives fausses, stylisation extrême des personnages, des bâtiments et des décors font de la peinture de Dubuc une vrai expression de liberté. Parfois dérangeante, comme peut l'être souvent la liberté, il faut faire l'effort de l'accepter pour l'aimer. Le tour de force fût de faire de cette maladresse de départ un style à part entière. L’autre force de Dubuc, plus subtile cette là, est sa sensibilité innée des harmonies de couleurs. Souvent audacieuses, elles sont toujours une réussite. Ça “gueule” souvent, mais ça “gueule” juste. Les toiles de Dubuc ne s’adressent pas à l’intellect, “c’est du brutal”, un alcool épais, sucré, une lave qui coule, déborde et envahit le support et va servir l’émotion. Pas d'hésitation ou de repentir, c'est le résultat spontané d'une vraie joie de peindre.
Amis amateurs de théories vertigineuses, de concepts échevelés et de triturages cérébraux en tout genre, vous n’entrerez pas dans ce tableau, et ne descendrez jamais cette rue de Hainneville qui mène à La Manche. C’est bien dommage car, croyez-moi, il y fait simplement beau, simplement bon, et le bonheur n’est pas bien loin.
Mais, il faut se donner un peu de mal pour savoir rester simple...

Eric Raimbault