Dubuc, peintre de Montmartre, mais pas seulement...

13 janvier, 2017 - 09:45
Eric Raimbault

“... Il est l’un de ces nombreux peintres qui se sont fait une spécialité confortable du paysage parisien, et tout spécialement des vues touristiques de Montmartre.”

Je ne peux m’empêcher, en lisant cette conclusion du chapitre que le Benezit consacrait à Roland Dubuc en 1999, de ressentir comme une pointe de mépris. Roland Dubuc était, n’en doutons pas, un peintre sincère et vrai. S’il avait choisi Montmartre comme point de chute parisien, c’est avant tout parce qu’il était persuadé que c’était là que battait le cœur de la vie artistique du moment et qu’il pourrait y faire des rencontres importantes et formatrices pour lui, le petit peintre autodidacte. De belles rencontres qu’il lui permettraient d’exprimer pleinement sa passion dévorante de peindre. Roland Dubuc n’a jamais fait de concession et n'a jamais succombé aux chants des sirènes de la peinture “putain”, de la peinture de Montmartre au kilomètre qu’il dénonçait et honnissait par dessus tout. De fait, il fit des rencontres intéressantes, mais son intégrité picturale ne lui permis pas de faire fortune et il mangea de la vache enragée plus souvent qu’à son tour. La reconnaissance vint plus tard. Il ne céda jamais à la facilité et ne chercha jamais à faire fortune en vendant son âme à ce fameux diable dont pourtant il tirait souvent la queue.
Mais cet artiste a bien d’autres sujets à nous proposer. Tout d’abord, sa Normandie natale qu’il a quittée et retrouvée plusieurs fois et notamment la ville de Caudebec-Lès-Elbeuf, qu’il a croquée maintes fois. La belle ville de Rouen avec sa cathédrale, son “gros Horloge” et ses rues animées furent aussi les sujets de superbes tableaux. Il y a également Honfleur, sa lumière, son port, ses bateaux et ses maisons à colombages qui furent des centres d’intérêt récurremment posés sur toile ou sur papier. Les bords de Seine, autres que parisiens, furent aussi des sujets que Dubuc aimait et agrémentait de péniches, de villages et d’auberges sympathiques. La Suisse où il vécu quelques temps, fut aussi un sujet largement abordé, comme la ville de Boudry où il laissa une abondante production ainsi que de nombreux souvenirs festifs et joyeux. Tous ces lieux furent opiniâtrement et passionnément brossés, crayonnés et font partie intégrante de l’œuvre de Roland Dubuc.
Et comment passer sous silence ce sujet que notre peintre affectionnait tout particulièrement, à savoir, le Cirque. Monde parallèle et irrépressiblement attirant pour son âme vagabonde d’artiste. Un cirque s’installait et Roland Dubuc oubliait le reste, comme me le confiait en souriant Jean-Paul Villain. Un jour que nous l’attendions en vain sur une exposition qui lui était consacrée, il prétexta être souffrant et ne pouvoir quitter son lit. En fait après “enquête” il s’avéra que la seule maladie dont il souffrait portait le nom de “cirque Pinder” qui venait de s’installer sur une pelouse parisienne. Il n’avait pu résister à l’attrait d’aller fouiner entre les roulottes, les cages aux fauves et d’aller faire le pitre avec ses amis les clowns bariolés sur la piste de sable... Cette même piste qu’il a tant de fois représentée animée de spectacles équestres, de numéros de dompteur ou d’Augustes musiciens.
Tout ceci pour dire que Dubuc ne peut être réduit à cette simple étiquette de peintre de Montmartre, même si la Butte fut son sujet de prédilection, il serait dommage d’oublier ou de sous-évaluer les autres sujets qui méritent aussi toute notre attention. S’ils sont moins prisés pour le moment sur le fameux marché de l’Art, gageons qu’avec le temps et la reconnaissance grandissante du travail de Roland Dubuc, tous ces trésors “extra-parisiens” deviendront à leur tour des sujets recherchés pour leur incontestable valeur artistique.

Eric Raimbault